mardi 31 juillet 2012

ETABLIR DES PARTENARIATS POUR LE REVERDISSEMENT EN AFRIQUE


La Mise à jour 2012 n°3 a indiqué que le district de Kantché au Niger, qui se caractérise par une densité de la population tout aussi élevée que celle des arbres dans les champs, a enregistré un excédent céréalier de près de 14 000 tonnes en 2011. Bien que ce chiffre soit inférieur à ceux des années précédentes, il n’en revêt pas moins de l’intérêt.
Il semble que la zone autour de Bankass au Mali, qui recèle une vaste étendue de jeune parc agroforestier, a enregistré également un excédent céréalier estimé à 50 000 tonnes au cours de la même année. Ce chiffre reste à vérifier, mais tout excédent enregistré en 2011 constitue une bonne nouvelle.
Il va sans dire qu’en dépit d’un excédent global dans une région donnée, de nombreuses familles devront faire face à des difficultés en 2012.
Néanmoins, ces exemples laissent poindre une lueur d’espoir dans le contexte d’un Sahel où la tendance générale se caractérise par d’importants déficits céréaliers.
La question qui se pose est la suivante : ces excédents sont-ils dus au nouveau parc agroforestier ? Bien que la question mérite d’être élucidée, il convient de reconnaître que cette possibilité est crédible.
Conférence sur la lutte contre la famine, Nairobi, 10-13 avril 2012
Cette conférence était coorganisée par World Vision et le Centre Mondial de l’Agroforesterie (ICRAF). Les quelques 200 participants (agents de développement, décideurs, chercheurs, journalistes) ont fait le point de l’expérience actuelle en matière de reverdissement assisté, se sont penchés sur les nombreux impacts du reverdissement et ont reçu une formation pratique sur les techniques d’élagage. Ils venaient, notamment du Kenya, de l’Ouganda (y compris les ministres de l’agriculture et du plan), de l’Ethiopie, de la Tanzanie, du Niger, du Tchad et du Puntland.
Plusieurs journalistes de la région ont interrogé les participants et “Zweites Deutsches Fernsehen” (deuxième chaîne de télévision allemande) a consacré une brève séquence de son journal télévisé du soir à la conférence.
Pour de plus amples informations sur la conférence, visiter le site www.beatingfamine.com.

Un partenariat informel pour promouvoir le reverdissement
Le samedi 14 avril, un certain nombre de représentants de l’e l’ICRAF, du Forum Forestier Africain, de World Resources Institute, de World Vision Australie et du Centre pour la coopération internationale de l’Université Libre d’Amsterdam, se sont rencontrés pour discuter de la conférence et de son suivi et ont créé un partenariat informel qui s’engage à collaborer à la promotion du reverdissement à l’effet de développer une agriculture toujours verte en Afrique. L’un des moteurs de cet engagement était la prise de conscience croissante qu’un scénario dangereux est en train de se produire dans certaines parties de l’Afrique et pourrait conduire à une famine structurelle au cours de la prochaine décennie. Cette observation a été faite dans des numéros antérieurs des Mises à jour. La fertilité du sol diminue dans de nombreuses régions, la pluviométrie devient plus irrégulière et extrême, les périodes de sécheresse sont plus longues en saison des pluies. Ensemble, ces tendances réduisent le rendement des cultures dans un contexte de croissance démographique souvent rapide. Dans le même temps, les prix des céréales atteignent de nouveau des sommets, ce qui crée des difficultés non seulement pour les pauvres en milieu urbain, mais également pour les petits paysans qui ne produisent pas suffisamment pour satisfaire leurs besoins alimentaires familiaux. Les stocks mondiaux de denrées alimentaires sont faibles. Ainsi, l’on ne peut considérer comme acquis que les déficits alimentaires pourront être couverts par l’aide alimentaire.
Il est impératif de faire changer les choses. Le partenariat informel a examiné un train de mesures pour l’intensification durable, y compris la création de nouveaux systèmes agroforestiers grâce au reverdissement assisté, l’introduction dans les zones semi-arides (400-800 mm de pluviométrie)de techniques simples de collecte de l’eau qui augmentent les quantités d’eau disponibles pour les cultures et les arbres, ainsi que l’utilisation de petites quantités d’engrais inorganiques, en principe là où l’agroforesterie a déjà accru la quantité de matières organiques dans la terre végétale. L’efficacité de l’utilisation des engrais est fonction de la teneur en matière organique du sol, qui a également un impact positif sur la capacité de rétention d’eau du sol.
Les participants à cette réunion sont présentés brièvement ci-après.
Roland Bunch
Dr Bunch est un agroécologiste et l’auteur de « Two Ears of Corn: A Guide to People-Centered Agricultural Improvement ». Il a servi en qualité de Directeur du Département du développement rural à l’Ecole Panaméricaine d’Agronomie du Honduras et de Directeur à « Sustainable Agriculture and Rural Livelihoods for World Neighbors », une ONG basée aux Etats-Unis qui intervient dans le domaine du développement rural intégré. Il est cofondateur et ancien coordonnateur de la COSECHA (Association de consultants pour une agriculture durable, écologique et humaine) Honduras. Il a travaillé en qualité de consultant sur trois continents et est connu pour la promotion d’une agriculture durable et « humaine », notamment la « vulgarisation entre paysans » et la méthodologie de la « mise au point participative des technologies ».
 
 


Dennis Garrity
Dr Garrity est un chercheur universitaire distingué, et jusqu’au septembre 2011 Directeur Général de l’ICRAF. Il a été nommé récemment Ambassadeur de la Convention des Nations Unies sur la lutte contre la désertification pour les terres arides et participe aux efforts mondiaux d’étude des voies et moyens non classiques de création de systèmes agricoles plus productifs et écologiques. Il préside le Comité de pilotage de Landcare International. Auparavant, en sa qualité d’agronome, il a assumé les fonctions de Chef de l’Unité de l’agroforesterie à l’Institut International de Recherche sur le Riz aux Philippines. Il est titulaire d’un doctorat en physiologie des cultures (Université du Nebraska). http://www.worldagroforestry.org/
 



 


Larwanou Mahamane
Dr Larwanou est Chargé supérieur de programme au Forum Forestier africain. Auparavant, il était chercheur de l’Institut National de Recherche Agronomique du Niger (INRAN). Il est entré à l’Université de Niamey en 2006 en qualité de Maître de conférences et chercheur. Au Niger, il a mené des activités de recherche dans les domaines de la foresterie et de l’agroforesterie, mettant au point des technologies agroforestières pour l’amélioration des systèmes agroforestiers au Sahel. Il a publié de nombreux articles dans des revues scientifiques et coordonné plusieurs projets de recherche. Dr Larwanou est titulaire d’une licence et d’une maîtrise en écologie de la forêt/agroforesterie (Université d’Ibadan, Nigeria) et d’un doctorat (Université Abdou Moumouni de Niamey) obtenu en 2005.

 

 
Chris Reij
Chris Reij est un spécialiste de la gestion durable des terres du Centre pour la coopération internationale, Université VU Amsterdam et un agrégé supérieur de recherches de l’Institut mondial des ressources à Washington. Depuis 1978, il exerce en Afrique où il coordonne à l’heure actuelle « Initiatives de reverdissement en Afrique », qui aide les paysans à s’adapter aux changements climatiques et à mettre au point des systèmes agricoles plus productifs et durables (http://www.africa-regreening.blogspot.com/). L’approche de cette initiative consiste à étendre l’échelle des réussites existantes en matière de reverdissement (agroforesterie, gestion participative des forêts) tant des paysans individuels que des communautés.

 

 
Photo : Tony Rinaudo interviewé par la presse au cours de la conférence sur la lutte contre la famine
Tony Rinaudo
Tony Rinaudo participe à la mise au point des systèmes agro-sylvopastoraux dans une large gamme d’environnements. Auparavant, il a passé 18 années au Niger (1980-1998), où il a géré un programme de développement agricole à long terme et ses activités ont contribué à catalysé un processus de reverdissement dans la région de Maradi en 1985. Récemment, il a dispensé des cours sur le reverdissement assisté au Sénégal, au Ghana, en Ethiopie, au Kenya, en Indonésie et au Timor oriental.

 
 

 

Bob Winterbottom
Robert Winterbottom est Directeur des Services de l’Ecosystème au World Resources Institute (WRI), Washington, D.C. Il a travaillé dans les domaines du reboisement au Burkina Faso ; de la planification de la lutte contre la désertification avec le Comité permanent inter-États de lutte contre la sécheresse dans le Sahel (CILSS) ; du renforcement des capacités institutionnelles en vue de l’amélioration de la coordination de la gestion des ressources naturelles (GRN) au Niger ; de la GRN à base communautaire en Namibie ; de l’intégration de la gouvernance environnementale et de la réduction de la pauvreté grâce à la création d’entreprises axées sur les ressources naturelles au Sénégal et au Bangladesh ; ainsi que de l’évaluation des besoins et opportunités liés à l’adaptation aux changements climatiques à Madagascar et au Vietnam. Par ailleurs, il a participé à l’élaboration du Plan d’action pour les forêts tropicales (Banque mondiale, PNUD, FAO et WRI). Il est titulaire d’une licence (ès sciences de la forêt) obtenue à l’Université de Yale.
Nous envisageons de créer des opportunités pour la conception conjointe de projets et programmes.
Les personnes susmentionnées ont convenu d’établir un partenariat informel, mais le mouvement du reverdissement est beaucoup plus large. Quelques autres partenaires sont présentés ci-après.


Assefa Tofu est le Conseiller en GRN de World Vision Ethiopie (WVE) et fait partie des personnes ressources qui soutiennent les activités de reverdissement de WVE. Sur la présente photo, Assefa donne aux participants à la conférence quelques indications sur la formation en matière de sélection des tiges aux fins d’enlèvement et d’élagage.


AbasseTougiani
Dr Tougiani, chercheur attaché à l’Institut National de Recherche Agronomique du Niger, était  basé depuis beaucoup d’ années à Maradi où il a collaboré étroitement avec Tony Rinaudo et le projet FIDA d’Aguié, qui s’emploie à promouvoir le reverdissement assisté.


Gray Tappan de EROS (Earth Resources Observation and Science) de US Geological Survey Centre dans le Dakota du Sud est un géographe spécialisé dans la télédétection de l’utilisation des terres et de la végétation. Il a apporté et continue d’apporter de précieuses contributions à la compréhension de l’évolution à long terme de la végétation. Les images satellitaires de Gray, qui présentent les mêmes villages au cours de différentes périodes, ont permis de convaincre de nombreuses personnes que certaines parties du Sahel sont plus vertes à l’heure actuelle qu’il y a 20 à 30 ans.


Mathieu Ouedraogo (à gauche) est le Coordonnateur des Initiatives de Reverdissement en Afrique au Burkina Faso. Sa carrière a commencé au début des années 80 au cours desquelles il a travaillé pour le Projet Agro Forestier (PAF) financé par OXFAM dans la région du Yatenga, qui était l’un des projets les plus novateurs en ce qui concerne la collecte de l’eau de ruissellement. A droite se trouve le Professeur Adam Toudou, Coordonnateur des Initiatives de Reverdissement en Afrique au Niger, doyen de la Faculté d’Agronomie de l’Université de Niamey.


Mary Allen Ballo est chercheur en environnement, secrétaire exécutive de Sahel ECO et coordonnatrice au Mali de ARI. Elle travaille depuis plus de deux décennies au Mali où elle a fait de Sahel ECO l’une des principales ONG environnementales.

Il s’agit là de quelques champions du reverdissement par les agriculteurs. D’autres partenaires/défenseurs vous seront présentés dans les futurs numéros de Mise à jour.

vendredi 20 avril 2012

SECURITE ALIMENTAIRE ET RESSOURCES EN EAU DANS LES ZONES ARIDES D’AFRIQUE


REVERDISSEMENT EN AFRIQUE – MISE A JOUR 2012 N° 3

Mars/Avril 

Un peuplement dense de Piliostigmareticulatum dans les champs dans le département de Konni, Niger (janvier 2012). Leurs cosses constituent du fourrage de qualité pour le bétail, mais servent également d’aliment aux hommes en période de famine. On leur attribue le pouvoir d’améliorer la fertilité du sol. En arrière plan, quelques arbres qui ont été élagués et ont formé un tronc et une voûte. Au premier plan, des buissons très jeunes et denses de Piliostigma qui capturent une grande quantité de poussière fine et fertile déplacée par les vents de l’harmattan.


SECURITE ALIMENTAIRE ET RESSOURCES EN EAU DANS LES ZONES ARIDES D’AFRIQUE
Les médias internationaux attirent notre attention sur la crise alimentaire qui pointe à l’horizon dans le Sahel. Ils s’inquiètent du risque que le Sahel soit confronté à une crise similaire à celle qu’a connue la Corne de l’Afrique récemment. La saison pluvieuse de 2011 dans le Sahel a été caractérisée par une pluviométrie faible et irrégulière et, dans certaines régions, par une invasion de ravageurs des cultures. Des prévisions effectuées en novembre 2011 estimaient à environ 600 000 tonnes le déficit alimentaire auquel le Niger devrait faire face. Selon les indications, le déficit de production céréalière ne touche l’ensemble des régions du Niger avec la même acuité. Tel qu’il ressort d’une carte produite en septembre 2011 par les Systèmes d’alerte précoce aux risques de famine, les déficits prévus semblaient moins graves dans certaines régions du Sud du Niger caractérisées par une forte densité d’arbres dans les champs.
A l’aide d’un financement mis à disposition par le Fonds international de développement agricole pour l’instauration d’un dialogue national sur le reverdissement, deux chercheurs de l’Université de Niamey (Pr. Yamba Boubacar et M. Sambo) ont entrepris une étude rapide dans cinq villages du département de Kantché (au Sud de Zinder) qui porte sur le reverdissement et la sécurité alimentaire. Ils ont soumis leur rapport provisoire le 24 février. Ils ont non seulement mené une enquête auprès de 197 ménages agricoles, mais également exploité quelques statistiques nationales. S’agissant de ces dernières, les données du Comité national de prévention et de gestion des crises alimentaires et des Systèmes d’alerte précoce aux risques de famine du Niger indiquent que le département de Kantché (350 000 habitants) a produit systématiquement un excédent de céréales depuis 2007, ainsi qu’en 2011.
2007      + 21 230 tonnes
2008      + 36 838 tonnes
2009      + 28 122 tonnes
2010      + 64 208 tonnes
2011      + 13 818 tonnes
Est-ce une coïncidence si cette zone qui se caractérise par une forte densité de population et d’arbres dans les champs produit un excédent de céréales ? Cette situation pourrait-elle s’expliquer par d’autres interventions ? La zone bénéficierait-elle de précipitations un peu plus abondantes et/ou d’une répartition de la pluviométrie légèrement meilleure ? Ce que l’on peut affirmer à ce stade est que l’excédent de production n’est pas dû à d’autres interventions. Il est vrai également que la majeure partie de cette zone abrite un jeune parc agroforestier très dense essentiellement dominé par Faidherbiaalbida, une espèce qui fixe l’azote et contribue à maintenir et améliorer la fertilité du sol. Bien que le département de Kantché, dans son ensemble, ait produit un excédent de céréales en 2011, les paysans les plus pauvres continueront de faire face à des déficits alimentaires.
Il ressort également du rapport provisoire que les ménages les plus pauvres tirent des revenus considérables des arbres sous forme de fourrage, de bois de chauffe, de fruits et de feuilles dont une partie est vendue au marché. Les arbres constituent une importante source de revenu agricole. Yamba et Sambo font remarquer, par exemple, que la vente des feuilles d’un seul baobab à maturité (Adansoniadigitata) génère un revenu de 27 à 75 $ EU, selon le moment auquel les celles-ci parviennent au marché. Ce revenu, à lui seul, permet au propriétaire de l’arbre/des arbres (souvent des femmes) d’acheter 75 à 175 kg de céréales sur le marché. Dans certaines parties du département de Mirriah (région de Zinder), le baobab est l’espèce dominante et l’on y trouve de nombreux baobabs tant à maturité que jeunes.
Pourquoi les paysans investissent-ils dans les arbres ?
Yamba et Sambo ont demandé aux paysans les raisons pour lesquelles ils protégeaient et géraient avec soin les arbres dans les champs. Ceux-ci ont avancé plus d’une raison, mais celles qui sont revenues le plus souvent avaient trait à la fertilité du sol (58 %) et à l’alimentation (25 %). Les paysans (hommes et femmes) dans l’ensemble du Sahel sont très préoccupés par la réduction de la fertilité du sol et sont prêts à mettre tout en œuvre pour renverser la tendance. Aussi, selon leur perception, certaines espèces améliorent-elles la fertilité du sol (Faidherbiaalbida, Piliostigmareticulatum, Combretumglutinosum, Guiérasenegalensis).
Quelques conclusions relatives à l’agroforesterie
1.       Les arbres dans les champs améliorent et stabilisent l’accès des ménages agricoles à la nourriture. Ils réduisent le risque de déficit de récolte et, même en cas de déficit, les arbres génèrent d’autres formes de revenu qui permettent aux paysans de se procurer des céréales chères sur le marché.
2.       Les rendements moyens des céréales dans le cadre de l’agroforesterie au Niger demeurent faibles (généralement environ 450 kg/ha ou plus, selon le type de sol, la gestion de la fertilité du sol et le niveau de la nappe phréatique) et l’utilisation de modestes doses d’engrais minéral est nécessaire pour accroître considérablement les rendements.
3.       La litière des arbres permet de maintenir, voire d’améliorer, la fertilité du sol en augmentant la teneur en matière organique du sol, ce qui a pour effet d’améliorer l’efficience de l’utilisation d’engrais, ainsi que la capacité de rétention d’eau de la couche arable. Les arbres d’abord, les microdoses d’engrais ensuite.
4.       Une étude récente a montré que, dans certains cas, les arbres peuvent également réduire le rendement des céréales. Toutefois, l’étude n’a pas précisé les situations concernées. Par ailleurs, aucun des paysans dans les nouveaux parcs agroforestiers au Niger, au Mali et au Burkina n’a mentionné cet état de fait. Même si tel était le cas, les nombreux avantages du capital arboricole dépassent les pertes en céréales. Si tel n’était pas le cas, les paysans abattraient les arbres dans les champs.

Sur cette photographie d’un ancien parc agroforestier dominé par le karité (Vitellariaparadoxa) et le néré (Parkiabiglobosa) au Mali, l’on peut observer que la végétation dans les champs communautaires a été détruite aux fins de production de charbon pour la capitale Bamako. Cependant, personne ne touche un seul arbre dans le parc. Les densités d’arbres sont élevées et la voûte forestière est importante. Ceci peut se traduire par la réduction du rendement des céréales, qui serait largement compensée par la valeur des produits tirés de ces arbres.

Bien que ceci soit difficile à admettre, lorsque les jeunes arbres sont élagués, ils développent un tronc et une voûte. En outre, l’élagage produit des brindilles que les femmes peuvent utiliser pour la cuisine, tandis que les feuilles renforcent la teneur en matière organique du sol. Les arbres génèrent rapidement des avantages et, selon l’espèce, la pluviométrie et l’altitude, ils peuvent croître rapidement.
Récupération de l’eau, reconstitution de la nappe phréatique, irrigation des petites exploitations agricoles et arbres
La population rurale dans la plupart des zones arides enregistre une croissance rapide en termes absolus, ce qui rend primordial non seulement l’accroissement de la production vivrière et l’amélioration de l’accès à la nourriture, mais également l’accroissement de la disponibilité de l’eau pour cette population humaine en pleine croissance, ainsi que pour son bétail et l’irrigation des petites exploitations agricoles. Ceci passe par la récupération des eaux de pluie et de ruissellement et leur conservation dans le sol, dans la mesure du possible.
Il existe de nombreuses preuves empiriques d’augmentation de la nappe phréatique au niveau local, suite à l’introduction de techniques simples de récupération de l’eau telles que les poquets de semis, les demi-lunes, les diguettes de pierres en courbe de niveau et des barrages exigeant peu d'eau. Toutes ces techniques forcent les eaux de pluie et de ruissellement à ralentir et à s’infiltrer dans le sol. La mise à jour 2012 n° 2 de ARI contient un récit de l’histoire du village de Batodi dans le département d’Illéla au Niger, qui a connu une augmentation considérable des niveaux d’eau dans les puits depuis l’introduction par les villageois de la technique des poquets de semis et des demi-lunes au début des années 90. La production céréalière dans ce village a été très déficitaire en 2011, mais celui-ci compte 10 jardins potagers à l’heure actuelle (contre 0 en 1994). Cette année, qui s’annonce déjà difficile pour de nombreux ménages agricoles, le sera davantage, à moins que ne soient consentis des investissements dans la récupération de l’eau. Il existe des histoires similaires concernant la partie septentrionale du Plateau central du Burkina Faso et les villages du Tigré (Ethiopie).



La combinaison de la régénération naturelle sur les pentes dégradées avec les murs de pierres force les eaux de pluie et de ruissellement à s’infiltrer, ce qui a pour effet de reconstituer la nappe phréatique, de favoriser le développement de l’irrigation dans les vallées et de créer des sources d’eau permanentes (Tigré, Ethiopie).
Il existe de nombreuses preuves empiriques qui, prises ensemble, indiquent une relation plausible entre récupération de l’eau et la reconstitution de la nappe phréatique au niveau local. Cependant, il s’agit là de toute évidence de l’une des lacunes dont souffrent nos connaissances et qu’il convient de combler.
Conclusion
Il est primordial de créer davantage de systèmes agricoles productifs et résilients à la sécheresse dans le Sahel et dans la Corne de l’Afrique afin d’accroître la production vivrière et d’améliorer la fertilité du sol. Le développement de l’agroforesterie et des systèmes de récupération de l’eau en vue de reconstituer la nappe phréatique constitue une étape cruciale à cet égard. Le temps presse.





mardi 13 mars 2012

INITIATIVES DE REVERDISSEMENT EN AFRIQUE, Mise à jour ARI 2012 n° 2


 Cette photo a été prise le 19 janvier 2012 dans la vallée d’Adouna (région de Tahoua, Niger). Celle-ci s’étire sur quelque 40 km et comprend un parc d’environ 40 000 ha dont la végétation est dominée par le Faidherbia albida. La végétation du parc est très dense par endroits et est faite d’un savant mélange d’arbres de tous âges. Les résidus de récolte montrent que tout l’espace entre les arbres est cultivé. La nappe phréatique dans cette vallée est située à un niveau assez superficiel et les sols sont assez fertiles. Ces raisons expliquent, en partie, le bon état du parc. Plusieurs barrages longs et de basse altitude enjambent la vallée, obligeant les eaux de ruissellement à s’infiltrer. Des nappes phréatiques plus superficielles ont favorisé le développement de l’irrigation. A supposer que la superficie irriguée soit de 1 500 ha et le rendement moyen de l’oignon de 20 t/ha, cette vallée seule produirait déjà 30 000 t de légumes.

L’un des premiers événements majeurs prévu en 2012 était une visite d’études par une délégation nigériane dans le Sud du Niger. Cette délégation était censée tirer des leçons des activités de reverdissement au Sud du Niger aux fins de la politique et des pratiques agroforestières au Nigeria. La Fondation Heinrich Böll à Abuja avait mis sur pied une délégation extraordinaire d’environ 30 membres représentant les décideurs de l’ensemble des 12 Etats frontaliers du Niger, les chercheurs, les ONG, ainsi que le personnel et les représentants du Ministère fédéral de l’agriculture. Malheureusement, la visite a dû être reportée à la dernière minute, en raison d’une grève générale au Nigeria, qui a conduit à la fermeture des banques, des stations d’essence et de la frontière entre le Nigeria et le Niger. Nous nous employons à fixer ensemble une nouvelle date pour la visite.

La visite a été reportée tout juste à notre arrivée au Niger. Aussi, a-t-il été décidé, malgré tout, d’effectuer une visite de terrain dans les régions[1] de Dosso, Maradi, Zinder et Tahoua. Je voudrais partager avec vous quelques photographies et impressions relatives à celle-ci.

Le but de la visite dans la zone de Dogon Kiria (région de Dosso) consistait à observer les activités de reverdissement qui venaient d’être mises en route dans cette « commune », dans le cadre d’un projet géré par Both Ends et financé par la Fondation Turing basée au Pays-Bas. Un indicateur clé du reverdissement assisté est que, soudain l’on peut voir partout dans les champs de jeunes arbres élagués. La zone concernée enregistre une pluviométrie d’environ 350 mm et se trouve à la lisière de la zone où l’agriculture est possible. Les jeunes arbres élagués montrent que le processus a commencé.

Une visite dans certaines parties des régions de Maradi et Zinder constitue toujours une source d’inspiration. C’est là que les agriculteurs ont créé de nouveaux parcs agroforestiers sur une superficie de 5 millions d’hectares. Permettez-moi de partager quelques nouvelles impressions avec vous.

Création d’institutions intervillageoises pour la remise en état et le reverdissement des terres
Non loin d’une petite ville appelée Aguié (région de Maradi), les techniques de récolte de l’eau (demi-lunes) sont utilisées avec succès en vue de remettre en état les terres dégradées et arides. Cette pratique n’est guère nouvelle en soi, mais ce qui l’est, c’est le fait qu’elle soit mise en pratique conjointement par un certain nombre de villages qui ont établi des règles pour la protection et la gestion des arbres plantés dans les demi-lunes et ceux qui y ont poussé spontanément (voir photo 2). Les villageois assurent la protection de l’aire régénérée à bicyclette. Par ailleurs, ils ont adopté des sanctions pour ceux qui violent les règles. Cette activité a été entreprise par le projet PPILDA financé par le FIDA. Il serait très utile d’analyser et de documenter cette expérience, car elle comporte quelques exemples de création réussie d’institutions intervillageoises pour la régénération et le reverdissement des terres.

Introduction de la culture du reverdissement assisté à l’école primaire
Comme l’a expliqué Abasse Tougiani, il est important d’associer les écoliers au reverdissement. Ainsi, les enfants de l’école qui figurent sur la Photo 3 connaissent le rôle des arbres dans le renversement de la tendance à la dégradation des terres et ils ont reçu une formation en matière d’élagage des arbres. Ils recevront bientôt une délégation d’écoliers d’un autre village qu’ils sensibiliseront et initieront au reverdissement. C’était la première fois que j’étais témoin d’une expérience d’introduction du reverdissement assisté dans le programme d’une école primaire. Au regard de l’enthousiasme des enfants, il va sans dire qu’ils sont devenus d’ardents défenseurs de la cause.


Photo 2 : Terres dégradées arides régénérées collectivement par un groupe de villages dans le département d’Illéla.


Photo 3 : Des écoliers devenus des avocats du reverdissement


Régénération à grande échelle de baobabs dans le département de Mirriah (région de Zinder)
Bien que le Sud de Zinder soit dominé par un jeune parc agroforestier, la région compte également d’importantes zones où d’autres arbres prédominent. Autour de la petite ville de Mirriah, il existe de vastes étendues couvertes de baobabs de tous âges. La Photo 4 présente une population dense d’arbres relativement âgés, qui produisent des feuilles et des fruits précieux. Les propriétaires des arbres vendent souvent des feuilles sur pied à de jeunes hommes qui les cueillent et les mettent dans des sacs pour les vendre sur les marchés régionaux. Contrairement à l’assertion selon laquelle les baobabs au Sahel se régénèrent rarement, ces arbres se régénèrent à grande échelle dans le département de Mirriah, ainsi que dans la région du Yatenga au Burkina Faso.

Photo 4 : Population impressionnante de baobabs près de Mirriah

Nouveaux parcs agroforestiers et élévation du niveau de la nappe phréatique locale dans le village de Batodi (région de Tahoua)
Après avoir parcouru les 42 km le long de la vallée d’Adouna, nous avons décidé d’effectuer une visite rapide au village de Batodi, que j’avais déjà visité à plusieurs reprises entre 1989 et 1994, puis de nouveau en 2004 et pour la dernière fois en 2006. En 1990, ce village était entouré d’une vaste étendue de terres dégradées et arides. Puis, avec le soutien du Projet de conservation du sol et de l’eau financé par le FIDA, les villageois avaient commencé timidement à régénérer ces terres selon la méthode dite « zaï ». Assis avec les villageois en 1991, j’avais fait la blague suivante :
« Puis-je acheter des terres dégradées afin de les régénérer selon la méthode zaï ? » Leur réaction fut la suivante … « Non, vous ne pouvez pas. Si quelqu’un vend la terre… nous l’achèterons nous-mêmes ». C’est ainsi que j’ai découvert par hasard qu’un marché du foncier avait été créé et que les gens achetaient et vendaient les terres dégradées, puis utilisaient des techniques simples de collecte de l’eau pour les remettre en état.

Lorsque je suis revenu à Batodi en novembre 2004, soit une décennie plus tard, la première chose qu’ils m’ont dite est la suivante… « Le niveau de l’eau dans le puits se situe à présent à 4 m de profondeur seulement, alors qu’elle était à environ -18 m lorsque vous étiez ici la dernière fois. » La remontée de l’eau dans les puits a permis aux femmes de commencer à faire du maraîchage. Etant donné que 2004 était une année de sécheresse (moins de 200 mm de pluie dans cette zone), le jardin potager revêtait une importance capitale pour les femmes. Elles vendaient les légumes sur le marché et leurs familles consommaient la partie invendue. Le nombre des jardins potagers dans ce village était passé de 2 en 2004 à 10 en 2012. La Photo 5 ci-dessous présente l’un de ces jardins potagers.

 
Photo 5 : L’oignon est le légume le plus cultivé dans le village de Batodi, tout comme dans de nombreuses autres parties du Niger.
 
L’on se demande quelles raisons expliquent cette remontée du niveau de la nappe phréatique. Nous avons observé deux puits à la fin de la journée et l’eau se trouvait à 4-6 m de profondeur, alors qu’apparemment elle se trouvait à 3-4 m le matin, avant le début de l’irrigation. Il y a une fluctuation pendant la journée, mais le niveau d’eau reste stable.  Est-il possible qu’une augmentation de la pluviométrie a contribué à la remontée de la nappe?  Chose intéressante, 2004 était une année de sécheresse à l’instar de 2011. Ceci rend improbable l’hypothèse que l’augmentation de la pluviométrie soit à l’origine de l’augmentation du niveau de la nappe phréatique locale. Si l’augmentation de la pluviométrie pouvait en être la principale cause, alors d’autres villages connaîtraient une situation similaire, ce qui n’est pas le cas. Une explication beaucoup plus plausible est que la régénération systématique des terres dégradées selon des techniques de collecte de l’eau qui obligent les eaux de pluie et de ruissellement à s’infiltrer s’était traduite par une reconstitution de la nappe phréatique au niveau local.


La Photo 6 ci-après présente un champ dans le village de Batodi, qui était entièrement nu il y a 20 ans. Les densités sont variables, par exemple la densité des arbres au fond est plus élevée. Les paysans nous ont expliqué que des densités plus élevées sont propices à l’agriculture.

 
Photo 6 : Le parc agroforestier à Batodi est jeune et dominé à certains endroits par Piliostigma reticulatum, qui sert de fourrage pour le bétail. Les densités au fond sont importantes.

Parc agroforestier et sécurité alimentaire
2012 sera une année très difficile dans différentes parties du Sahel. Le déficit alimentaire au Niger est estimé à environ 600 000 t. Dans quelques semaines, les résultats d’une étude sur le lien entre la régénération naturelle assistée au Sud de Zinder et la sécurité alimentaire des ménages seront disponibles. Si tout se passe comme prévu, la prochaine mise à jour de ARI fera rapport sur les principales conclusions de cette étude.

La prochaine mise à jour de ARI sera élaborée dès que les résultats de l’étude susmentionnée seront disponibles.
 
Les précédentes mises à jour sont disponibles sur le site www.africa-regreening.blogspot.com, ainsi que sur le site Web de l’Alliance mondiale pour le reverdissement en Afrique (www.W4RA.org). Si vous avez le temps, veuillez consulter le site Web où vous trouverez de plus amples informations sur les activités de l’Alliance Web.




[1] La délégation comprenait le Pr. Adam Toudou (Doyen de la Faculté d’agriculture, Université de Niamey), qui a participé à la visite dans la région de Dosso ; le Dr Abasse Tougiani (INRAN), Marie-José van der Werff ten Bosch (Both Ends) et Chris Reij (facilitateur pour les Initiatives de reverdissement en Afrique).