REVERDISSEMENT EN AFRIQUE – MISE A JOUR 2012 N° 3
Mars/Avril
Un peuplement dense de Piliostigmareticulatum dans les champs dans le
département de Konni, Niger (janvier 2012). Leurs cosses constituent du
fourrage de qualité pour le bétail, mais servent également d’aliment aux hommes
en période de famine. On leur attribue le pouvoir d’améliorer la fertilité du
sol. En arrière plan, quelques arbres qui ont été élagués et ont formé un tronc
et une voûte. Au premier plan, des buissons très jeunes et denses de
Piliostigma qui capturent une grande quantité de poussière fine et fertile
déplacée par les vents de l’harmattan.
SECURITE ALIMENTAIRE ET RESSOURCES EN EAU DANS LES
ZONES ARIDES D’AFRIQUE
Les médias internationaux attirent
notre attention sur la crise alimentaire qui pointe à
l’horizon dans le Sahel. Ils s’inquiètent du risque que le Sahel soit confronté
à une crise similaire à celle qu’a connue la Corne de l’Afrique récemment. La
saison pluvieuse de 2011 dans le Sahel a été caractérisée par une pluviométrie
faible et irrégulière et, dans certaines régions, par une invasion de ravageurs
des cultures. Des prévisions effectuées en novembre 2011 estimaient à environ
600 000 tonnes le déficit alimentaire auquel le Niger devrait faire face. Selon
les indications, le déficit de production céréalière ne touche l’ensemble des
régions du Niger avec la même acuité. Tel qu’il ressort d’une carte produite en
septembre 2011 par les Systèmes d’alerte précoce aux risques de famine, les déficits
prévus semblaient moins graves dans certaines régions du Sud du Niger caractérisées
par une forte densité d’arbres dans les champs.
A l’aide d’un financement mis à
disposition par le Fonds international de développement agricole pour l’instauration
d’un dialogue national sur le reverdissement, deux chercheurs de l’Université de
Niamey (Pr. Yamba Boubacar et M. Sambo) ont entrepris une étude rapide dans
cinq villages du département de Kantché (au Sud de Zinder) qui porte sur le
reverdissement et la sécurité alimentaire. Ils ont soumis leur rapport provisoire
le 24 février. Ils ont non seulement mené une enquête auprès de 197 ménages agricoles,
mais également exploité quelques statistiques nationales. S’agissant de ces
dernières, les données du Comité national de prévention et de gestion des
crises alimentaires et des Systèmes d’alerte précoce aux risques de famine du
Niger indiquent que le département de Kantché (350 000 habitants) a produit systématiquement
un excédent de céréales depuis 2007, ainsi qu’en 2011.
2007 + 21 230 tonnes
2008 + 36 838 tonnes
2009 + 28 122 tonnes
2010 + 64 208 tonnes
2011 + 13 818 tonnes
Est-ce une coïncidence si cette
zone qui se caractérise par une forte densité de population et d’arbres dans
les champs produit un excédent de céréales ? Cette situation pourrait-elle
s’expliquer par d’autres interventions ? La zone bénéficierait-elle de précipitations
un peu plus abondantes et/ou d’une répartition de la pluviométrie légèrement
meilleure ? Ce que l’on peut affirmer à ce stade est que l’excédent de
production n’est pas dû à d’autres interventions. Il est vrai également que la
majeure partie de cette zone abrite un jeune parc agroforestier très dense essentiellement
dominé par Faidherbiaalbida, une
espèce qui fixe l’azote et contribue à maintenir et améliorer la fertilité du
sol. Bien que le département de Kantché, dans son ensemble, ait produit un excédent
de céréales en 2011, les paysans les plus pauvres continueront de faire face à
des déficits alimentaires.
Il ressort également du rapport
provisoire que les ménages les plus pauvres tirent des revenus considérables
des arbres sous forme de fourrage, de bois de chauffe, de fruits et de feuilles
dont une partie est vendue au marché. Les arbres constituent une importante source
de revenu agricole. Yamba et Sambo font remarquer, par exemple, que la vente
des feuilles d’un seul baobab à maturité (Adansoniadigitata)
génère un revenu de 27 à 75 $ EU, selon le moment auquel les celles-ci parviennent
au marché. Ce revenu, à lui seul, permet au propriétaire de l’arbre/des arbres
(souvent des femmes) d’acheter 75 à 175 kg de céréales sur le marché. Dans
certaines parties du département de Mirriah (région de Zinder), le baobab est l’espèce
dominante et l’on y trouve de nombreux baobabs tant à maturité que jeunes.
Pourquoi les paysans investissent-ils dans les arbres ?
Yamba et Sambo ont demandé aux
paysans les raisons pour lesquelles ils protégeaient et géraient avec soin les
arbres dans les champs. Ceux-ci ont avancé plus d’une raison, mais celles qui sont
revenues le plus souvent avaient trait à la fertilité du sol (58 %) et à l’alimentation
(25 %). Les paysans (hommes et femmes) dans l’ensemble du Sahel sont très préoccupés
par la réduction de la fertilité du sol et sont prêts à mettre tout en œuvre pour
renverser la tendance. Aussi, selon leur perception, certaines espèces améliorent-elles
la fertilité du sol (Faidherbiaalbida, Piliostigmareticulatum,
Combretumglutinosum, Guiérasenegalensis).
Quelques conclusions relatives à l’agroforesterie
1.
Les arbres dans les champs améliorent et
stabilisent l’accès des ménages agricoles à la nourriture. Ils réduisent le
risque de déficit de récolte et, même en cas de déficit, les arbres génèrent
d’autres formes de revenu qui permettent aux paysans de se procurer des
céréales chères sur le marché.
2.
Les rendements moyens des céréales dans
le cadre de l’agroforesterie au Niger demeurent faibles (généralement environ
450 kg/ha ou plus, selon le type de sol, la gestion de la fertilité du sol et
le niveau de la nappe phréatique) et l’utilisation de modestes doses d’engrais
minéral est nécessaire pour accroître considérablement les rendements.
3.
La litière des arbres permet de
maintenir, voire d’améliorer, la fertilité du sol en augmentant la teneur en
matière organique du sol, ce qui a pour effet d’améliorer l’efficience de
l’utilisation d’engrais, ainsi que la capacité de rétention d’eau de la couche
arable. Les arbres d’abord, les microdoses d’engrais ensuite.
4.
Une étude récente a montré que, dans
certains cas, les arbres peuvent également réduire le rendement des céréales.
Toutefois, l’étude n’a pas précisé les situations concernées. Par ailleurs,
aucun des paysans dans les nouveaux parcs agroforestiers au Niger, au Mali et
au Burkina n’a mentionné cet état de fait. Même si tel était le cas, les
nombreux avantages du capital arboricole dépassent les pertes en céréales. Si
tel n’était pas le cas, les paysans abattraient les arbres dans les champs.
Sur cette photographie d’un ancien
parc agroforestier dominé par le karité (Vitellariaparadoxa) et le néré
(Parkiabiglobosa) au Mali, l’on peut observer que la
végétation dans les champs communautaires a été détruite aux fins de production
de charbon pour la capitale Bamako. Cependant, personne ne touche un seul arbre
dans le parc. Les densités d’arbres sont élevées et la voûte forestière est
importante. Ceci peut se traduire par la réduction du rendement des céréales,
qui serait largement compensée par la valeur des produits tirés de ces arbres.
Bien que ceci soit difficile à
admettre, lorsque les jeunes arbres sont élagués, ils développent un tronc et
une voûte. En outre, l’élagage produit des brindilles que les femmes peuvent
utiliser pour la cuisine, tandis que les feuilles renforcent la teneur en
matière organique du sol. Les arbres génèrent rapidement des avantages et,
selon l’espèce, la pluviométrie et l’altitude, ils peuvent croître rapidement.
Récupération de l’eau,
reconstitution de la nappe phréatique, irrigation des petites exploitations
agricoles et arbres
La population rurale dans la
plupart des zones arides enregistre une croissance rapide en termes absolus, ce
qui rend primordial non seulement l’accroissement de la production vivrière et
l’amélioration de l’accès à la nourriture, mais également l’accroissement de la
disponibilité de l’eau pour cette population humaine en pleine croissance,
ainsi que pour son bétail et l’irrigation des petites exploitations agricoles.
Ceci passe par la récupération des eaux de pluie et de ruissellement et leur
conservation dans le sol, dans la mesure du possible.
Il existe de nombreuses preuves
empiriques d’augmentation de la nappe phréatique au niveau local, suite à
l’introduction de techniques simples de récupération de l’eau telles que les poquets
de semis, les demi-lunes, les diguettes de pierres en courbe de niveau et des barrages
exigeant peu d'eau. Toutes ces techniques forcent les eaux de pluie et de
ruissellement à ralentir et à s’infiltrer dans le sol. La mise à jour 2012 n° 2
de ARI contient un récit de l’histoire du village de Batodi dans le département
d’Illéla au Niger, qui a connu une augmentation considérable des niveaux d’eau
dans les puits depuis l’introduction par les villageois de la technique des poquets
de semis et des demi-lunes au début des années 90. La production céréalière
dans ce village a été très déficitaire en 2011, mais celui-ci compte 10 jardins
potagers à l’heure actuelle (contre 0 en 1994). Cette année, qui s’annonce déjà
difficile pour de nombreux ménages agricoles, le sera davantage, à moins que ne
soient consentis des investissements dans la récupération de l’eau. Il existe
des histoires similaires concernant la partie septentrionale du Plateau central
du Burkina Faso et les villages du Tigré (Ethiopie).
La combinaison de la régénération
naturelle sur les pentes dégradées avec les murs de pierres force les eaux de
pluie et de ruissellement à s’infiltrer, ce qui a pour effet de reconstituer la
nappe phréatique, de favoriser le développement de l’irrigation dans les
vallées et de créer des sources d’eau permanentes (Tigré, Ethiopie).
Il existe de nombreuses preuves
empiriques qui, prises ensemble, indiquent une relation plausible entre
récupération de l’eau et la reconstitution de la nappe phréatique au niveau
local. Cependant, il s’agit là de toute évidence de l’une des lacunes dont
souffrent nos connaissances et qu’il convient de combler.
Conclusion
Il est primordial de créer
davantage de systèmes agricoles productifs et résilients à la sécheresse dans
le Sahel et dans la Corne de l’Afrique afin d’accroître la production vivrière
et d’améliorer la fertilité du sol. Le développement de l’agroforesterie et des
systèmes de récupération de l’eau en vue de reconstituer la nappe phréatique
constitue une étape cruciale à cet égard. Le temps presse.
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