vendredi 20 avril 2012

SECURITE ALIMENTAIRE ET RESSOURCES EN EAU DANS LES ZONES ARIDES D’AFRIQUE


REVERDISSEMENT EN AFRIQUE – MISE A JOUR 2012 N° 3

Mars/Avril 

Un peuplement dense de Piliostigmareticulatum dans les champs dans le département de Konni, Niger (janvier 2012). Leurs cosses constituent du fourrage de qualité pour le bétail, mais servent également d’aliment aux hommes en période de famine. On leur attribue le pouvoir d’améliorer la fertilité du sol. En arrière plan, quelques arbres qui ont été élagués et ont formé un tronc et une voûte. Au premier plan, des buissons très jeunes et denses de Piliostigma qui capturent une grande quantité de poussière fine et fertile déplacée par les vents de l’harmattan.


SECURITE ALIMENTAIRE ET RESSOURCES EN EAU DANS LES ZONES ARIDES D’AFRIQUE
Les médias internationaux attirent notre attention sur la crise alimentaire qui pointe à l’horizon dans le Sahel. Ils s’inquiètent du risque que le Sahel soit confronté à une crise similaire à celle qu’a connue la Corne de l’Afrique récemment. La saison pluvieuse de 2011 dans le Sahel a été caractérisée par une pluviométrie faible et irrégulière et, dans certaines régions, par une invasion de ravageurs des cultures. Des prévisions effectuées en novembre 2011 estimaient à environ 600 000 tonnes le déficit alimentaire auquel le Niger devrait faire face. Selon les indications, le déficit de production céréalière ne touche l’ensemble des régions du Niger avec la même acuité. Tel qu’il ressort d’une carte produite en septembre 2011 par les Systèmes d’alerte précoce aux risques de famine, les déficits prévus semblaient moins graves dans certaines régions du Sud du Niger caractérisées par une forte densité d’arbres dans les champs.
A l’aide d’un financement mis à disposition par le Fonds international de développement agricole pour l’instauration d’un dialogue national sur le reverdissement, deux chercheurs de l’Université de Niamey (Pr. Yamba Boubacar et M. Sambo) ont entrepris une étude rapide dans cinq villages du département de Kantché (au Sud de Zinder) qui porte sur le reverdissement et la sécurité alimentaire. Ils ont soumis leur rapport provisoire le 24 février. Ils ont non seulement mené une enquête auprès de 197 ménages agricoles, mais également exploité quelques statistiques nationales. S’agissant de ces dernières, les données du Comité national de prévention et de gestion des crises alimentaires et des Systèmes d’alerte précoce aux risques de famine du Niger indiquent que le département de Kantché (350 000 habitants) a produit systématiquement un excédent de céréales depuis 2007, ainsi qu’en 2011.
2007      + 21 230 tonnes
2008      + 36 838 tonnes
2009      + 28 122 tonnes
2010      + 64 208 tonnes
2011      + 13 818 tonnes
Est-ce une coïncidence si cette zone qui se caractérise par une forte densité de population et d’arbres dans les champs produit un excédent de céréales ? Cette situation pourrait-elle s’expliquer par d’autres interventions ? La zone bénéficierait-elle de précipitations un peu plus abondantes et/ou d’une répartition de la pluviométrie légèrement meilleure ? Ce que l’on peut affirmer à ce stade est que l’excédent de production n’est pas dû à d’autres interventions. Il est vrai également que la majeure partie de cette zone abrite un jeune parc agroforestier très dense essentiellement dominé par Faidherbiaalbida, une espèce qui fixe l’azote et contribue à maintenir et améliorer la fertilité du sol. Bien que le département de Kantché, dans son ensemble, ait produit un excédent de céréales en 2011, les paysans les plus pauvres continueront de faire face à des déficits alimentaires.
Il ressort également du rapport provisoire que les ménages les plus pauvres tirent des revenus considérables des arbres sous forme de fourrage, de bois de chauffe, de fruits et de feuilles dont une partie est vendue au marché. Les arbres constituent une importante source de revenu agricole. Yamba et Sambo font remarquer, par exemple, que la vente des feuilles d’un seul baobab à maturité (Adansoniadigitata) génère un revenu de 27 à 75 $ EU, selon le moment auquel les celles-ci parviennent au marché. Ce revenu, à lui seul, permet au propriétaire de l’arbre/des arbres (souvent des femmes) d’acheter 75 à 175 kg de céréales sur le marché. Dans certaines parties du département de Mirriah (région de Zinder), le baobab est l’espèce dominante et l’on y trouve de nombreux baobabs tant à maturité que jeunes.
Pourquoi les paysans investissent-ils dans les arbres ?
Yamba et Sambo ont demandé aux paysans les raisons pour lesquelles ils protégeaient et géraient avec soin les arbres dans les champs. Ceux-ci ont avancé plus d’une raison, mais celles qui sont revenues le plus souvent avaient trait à la fertilité du sol (58 %) et à l’alimentation (25 %). Les paysans (hommes et femmes) dans l’ensemble du Sahel sont très préoccupés par la réduction de la fertilité du sol et sont prêts à mettre tout en œuvre pour renverser la tendance. Aussi, selon leur perception, certaines espèces améliorent-elles la fertilité du sol (Faidherbiaalbida, Piliostigmareticulatum, Combretumglutinosum, Guiérasenegalensis).
Quelques conclusions relatives à l’agroforesterie
1.       Les arbres dans les champs améliorent et stabilisent l’accès des ménages agricoles à la nourriture. Ils réduisent le risque de déficit de récolte et, même en cas de déficit, les arbres génèrent d’autres formes de revenu qui permettent aux paysans de se procurer des céréales chères sur le marché.
2.       Les rendements moyens des céréales dans le cadre de l’agroforesterie au Niger demeurent faibles (généralement environ 450 kg/ha ou plus, selon le type de sol, la gestion de la fertilité du sol et le niveau de la nappe phréatique) et l’utilisation de modestes doses d’engrais minéral est nécessaire pour accroître considérablement les rendements.
3.       La litière des arbres permet de maintenir, voire d’améliorer, la fertilité du sol en augmentant la teneur en matière organique du sol, ce qui a pour effet d’améliorer l’efficience de l’utilisation d’engrais, ainsi que la capacité de rétention d’eau de la couche arable. Les arbres d’abord, les microdoses d’engrais ensuite.
4.       Une étude récente a montré que, dans certains cas, les arbres peuvent également réduire le rendement des céréales. Toutefois, l’étude n’a pas précisé les situations concernées. Par ailleurs, aucun des paysans dans les nouveaux parcs agroforestiers au Niger, au Mali et au Burkina n’a mentionné cet état de fait. Même si tel était le cas, les nombreux avantages du capital arboricole dépassent les pertes en céréales. Si tel n’était pas le cas, les paysans abattraient les arbres dans les champs.

Sur cette photographie d’un ancien parc agroforestier dominé par le karité (Vitellariaparadoxa) et le néré (Parkiabiglobosa) au Mali, l’on peut observer que la végétation dans les champs communautaires a été détruite aux fins de production de charbon pour la capitale Bamako. Cependant, personne ne touche un seul arbre dans le parc. Les densités d’arbres sont élevées et la voûte forestière est importante. Ceci peut se traduire par la réduction du rendement des céréales, qui serait largement compensée par la valeur des produits tirés de ces arbres.

Bien que ceci soit difficile à admettre, lorsque les jeunes arbres sont élagués, ils développent un tronc et une voûte. En outre, l’élagage produit des brindilles que les femmes peuvent utiliser pour la cuisine, tandis que les feuilles renforcent la teneur en matière organique du sol. Les arbres génèrent rapidement des avantages et, selon l’espèce, la pluviométrie et l’altitude, ils peuvent croître rapidement.
Récupération de l’eau, reconstitution de la nappe phréatique, irrigation des petites exploitations agricoles et arbres
La population rurale dans la plupart des zones arides enregistre une croissance rapide en termes absolus, ce qui rend primordial non seulement l’accroissement de la production vivrière et l’amélioration de l’accès à la nourriture, mais également l’accroissement de la disponibilité de l’eau pour cette population humaine en pleine croissance, ainsi que pour son bétail et l’irrigation des petites exploitations agricoles. Ceci passe par la récupération des eaux de pluie et de ruissellement et leur conservation dans le sol, dans la mesure du possible.
Il existe de nombreuses preuves empiriques d’augmentation de la nappe phréatique au niveau local, suite à l’introduction de techniques simples de récupération de l’eau telles que les poquets de semis, les demi-lunes, les diguettes de pierres en courbe de niveau et des barrages exigeant peu d'eau. Toutes ces techniques forcent les eaux de pluie et de ruissellement à ralentir et à s’infiltrer dans le sol. La mise à jour 2012 n° 2 de ARI contient un récit de l’histoire du village de Batodi dans le département d’Illéla au Niger, qui a connu une augmentation considérable des niveaux d’eau dans les puits depuis l’introduction par les villageois de la technique des poquets de semis et des demi-lunes au début des années 90. La production céréalière dans ce village a été très déficitaire en 2011, mais celui-ci compte 10 jardins potagers à l’heure actuelle (contre 0 en 1994). Cette année, qui s’annonce déjà difficile pour de nombreux ménages agricoles, le sera davantage, à moins que ne soient consentis des investissements dans la récupération de l’eau. Il existe des histoires similaires concernant la partie septentrionale du Plateau central du Burkina Faso et les villages du Tigré (Ethiopie).



La combinaison de la régénération naturelle sur les pentes dégradées avec les murs de pierres force les eaux de pluie et de ruissellement à s’infiltrer, ce qui a pour effet de reconstituer la nappe phréatique, de favoriser le développement de l’irrigation dans les vallées et de créer des sources d’eau permanentes (Tigré, Ethiopie).
Il existe de nombreuses preuves empiriques qui, prises ensemble, indiquent une relation plausible entre récupération de l’eau et la reconstitution de la nappe phréatique au niveau local. Cependant, il s’agit là de toute évidence de l’une des lacunes dont souffrent nos connaissances et qu’il convient de combler.
Conclusion
Il est primordial de créer davantage de systèmes agricoles productifs et résilients à la sécheresse dans le Sahel et dans la Corne de l’Afrique afin d’accroître la production vivrière et d’améliorer la fertilité du sol. Le développement de l’agroforesterie et des systèmes de récupération de l’eau en vue de reconstituer la nappe phréatique constitue une étape cruciale à cet égard. Le temps presse.





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